La plupart des États de l’Union Européenne dont la France ont depuis longtemps consacré le pluralisme. Pourtant paradoxalement, l’intolérance ne s’y est jamais aussi bien portée. La multiplication des moyens d’information (internet, médias, podcasts, intelligence artificielle, réseaux sociaux…) au lieu d’ouvrir les esprits et les enrichir par la diversité, tend à produire l’effet inverse. Nombreux sont ceux qui restent enfermés dans leurs certitudes alimentées par les algorithmes, fake news et autres tunnels informationnels ou émotionnels. Comment dialoguer et a fortiori se comprendre quand on reste sourd à l’Autre ? Quand certains ne voient pas les mêmes images, ne croient plus aux mêmes réalités, ne pleurent pas les mêmes morts ?
La liberté de critiquer le fonctionnement des institutions est parfaitement légitime. Mais être républicain commande à mon sens d’exercer ce droit dans le respect de la légalité et avec responsabilité. Ce n’est pas le cas lorsque :
⁃ Des élus de la république cautionnent des émeutes, le saccage de mairies ou de commissariats, à la suite d’une bavure policière aussi condamnable soit-elle.
⁃ Paralysent tout débat démocratique par le dépôt massif d’amendements.
⁃ Substituent à l’argumentaire l’insulte et l’attaque personnelle par des tweets compulsifs et orduriers.
Ceci mis à part, il est vrai que les pouvoirs du parlement européen par exemple, seul organe de l’UE véritablement démocratique, mériteraient d’être renforcés.
Compte tenu des dérives précitées, rien d’étonnant à ce que les citoyens se détournent de plus en plus des urnes. Depuis longtemps déjà, à l’exception des présidentielles et des municipales, les élections nationales ou européennes ne mobilisent plus, hormis l’extrême-droite, en tête cette fois…
Comment défendre les valeurs républicaines quand la réaction s’est substituée à la réflexion et quand la mesure a cédé la place au rejet et à la polarisation ?
Notre République et l’Europe sont malades, comme plongées dans les ténèbres. Elles sont atteintes du même mal que toutes les démocraties : celui de la radicalité.
Jamais la nuance ne s’est autant effacée devant la dualité violente du blanc et du noir. Le débat a été confisqué par les extrêmes. Les autres sont quasiment inaudibles. D’un côté, les mouvements à tendance fasciste pour qui l’immigration, cette bête à abattre, serait responsable de tous les maux et nous menacerait du « grand remplacement ». A l’autre extrémité, ceux qui ont troqué la lutte des classes pour la lutte identitaire, préfèrent le communautarisme à la laïcité, croient servir la cause palestinienne en justifiant le terrorisme islamique et l’anti-sionisme (dénomination moderne de l’antisémitisme) ; ces prétendus républicains qui ont dévoyé le vert du prophète pour l’associer aux mains rouges ensanglantées.
Quid de l’universalisme, de l’union, de notre liberté-égalité-fraternité dans un tel contexte ? Où est la lumière ? Comment entonner l’ode à la joie ?
Peut-être en nous re-alignant sur nos valeurs. Mais aussi en regardant avec détermination vers le ciel azur scintillant de ces douze étoiles : cette Union Européenne encore à construire et destinée à nous protéger de la guerre qui a déjà été déclarée à nos démocraties, tant par le fondamentalisme islamique que par l’impérialisme de Poutine, soutenu par d’autres régimes autoritaires (Chine, Iran). Si la guerre militaire se limite pour l’instant à l’Ukraine et au Proche-Orient, elle nous concerne directement. Quant à la guerre idéologique, elle a déjà commencé par la manipulation des esprits sur les réseaux sociaux par ces mêmes régimes liberticides, également impliqués dans les étoiles bleues, les mains rouges, la déstabilisation de nos universités, l’incitation aux jacqueries….
Alors sans-doute le moment est-il venu d’agir. C’est vrai, l’UE n’est pas parfaite, jugée trop technocratique, trop économique et financière, avec une inflation de règles souvent incohérentes, inadaptées ou coercitives à l’excès. Mais ses pouvoirs doivent être renforcés car il en va de notre avenir. L’enjeu est de taille car la possible élection de Trump pourrait promouvoir le protectionnisme, aggraver encore le climat et l’environnement, mettre en cause les droits fondamentaux (IVG…) et nous isoler dans la défense de l’Ukraine, de nos valeurs et libertés. Dès lors, l’occasion nous est peut-être offerte de donner à l’UE une autre dimension et de l’améliorer plutôt que la faire régresser. Le renforcement des pouvoirs du parlement de Strasbourg, la mise en place de conventions citoyennes, l’implication de commissions ou instances étatiques sont autant de voies qui pourraient y contribuer.
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